A l’occasion de la Semaine européenne de la réduction des déchets, la CAPEB invite les acteurs de la filière REP (Responsabilité Élargie du Producteur) à davantage de pragmatisme face à un dispositif encore imparfait et porte à leur connaissance les préconisations suivantes pour améliorer l’efficience opérationnelle de ce dispositif, préalable indispensable à l’atteinte des ambitions fixées
Accélérer le maillage territorial des points de collecte pour permettre une reprise sans frais des déchets triés pour toutes les entreprises
Alors que la REP est lancée depuis le mois de mai 2023, le nombre et la répartition des points de collecte restent très éloignés des entreprises qui travaillent en proximité (parfois seulement 2 ou 3 par département) notamment dans les zones rurales. Sans compter que la cartographie des points de collecte mise à disposition sur le site de l’OCAB présente une fiabilité relative puisque nombre de points supposés ouverts ne le sont pas en réalité. Face à ce constat, il est impératif que les déchèteries professionnelles et les déchèteries de collectivité s’intègrent rapidement dans le maillage territorial des points de collecte aux côtés des distributeurs afin de garantir aux entreprises un lieu de dépôt de proximité pour leurs déchets.
Adapter les standards de tri à la réalité des petites entreprises du bâtiment
La REP définit des standards de tri permettant la reprise sans frais des déchets triés dans des bennes pour les métaux, pour le bois, pour le plâtre, le plastique, etc. Or, deux difficultés existent aujourd’hui : d’une part, la reprise sans frais des déchets triés n’est effective que dans les installations de collecte renseignées sur le site de l’OCAB (correspondant aux points de collecte ayant conventionné avec un éco-organisme) ; et d’autre part, une majorité des points de collecte de cette cartographie ne reprend ni les déchets de démolition en mélange (en reprise payante) alors que de nombreuses entreprises qui font de la rénovation ont bien ce type de déchets à gérer, ni certains déchets spécifiques tels que les briques plâtrières, le béton cellulaire…alors que ces différents matériaux sont bien porteurs d’une éco contribution. La CAPEB déplore également que les critères de collecte en entreprise, quand ils existent, soient réservés aux grosses structures générant d’importants flux de déchets ou tardent à être définis pour une partie des éco-organismes.
Faire porter à tous les matériaux de construction une éco contribution
Depuis le début des concertations pour la mise en place de la REP, la CAPEB défend l’idée que tous les matériaux de construction, composants et matières premières, doivent être porteurs d’une éco contribution en amont des achats des entreprises, y compris tous les produits verriers du bâtiment. L’absence de produits verriers du bâtiment dans l’Avis aux Producteurs a des conséquences directes pour les entreprises artisanales du bâtiment qui les utilisent (menuisiers bois et métal par exemple) puisqu’elles doivent, chacune, adhérer à un éco organisme alors que les industriels du verre ne doivent pas le faire ! A ce stade, les produits verriers restent inexplicablement exclus de la règle qui prévaut pour tous les autres matériaux de construction.
Renforcer la visibilité sur l’évolution du montant des éco contributions
Depuis le 1er mai 2023, les entreprises du bâtiment payent des éco contributions lors de l’achat des produits et matériaux de construction chez leurs distributeurs. L’évolution des barèmes de prix des éco organismes reste un élément d’incertitude pour les entreprises qui doivent répercuter ces coûts dans leurs devis. C’est la raison pour laquelle la CAPEB demande aux éco-organismes de respecter un délai minimal de 6 mois entre la publication des barèmes et la date à laquelle les entreprises doivent les appliquer. A date, seul un des quatre éco-organismes a communiqué ses barèmes 2024.
Réduire les quantités de déchets par un effort d’éco conception de la part des fabricants de matériaux et produits de construction
Mieux gérer les déchets, c’est d’abord en réduire les quantités. Les principes de la REP font porter l’effort de gestion des déchets sur les entreprises de travaux qui doivent mieux trier leurs déchets d’activité et sur les gestionnaires des points de collecte de ces déchets. L’effort consenti par les fabricants de matériaux et produits ne peut se réduire au seul versement de l’éco contribution payée in fine par leurs clients. Une meilleure éco conception de la part des fabricants de matériaux et produits ou encore le développement et la mise à disposition d’outil de dimensionnement ou de calepinage pourraient permettre de réduire les quantités de déchets correspondant aux chutes de matériaux et produits mis en œuvre sur les chantiers.
Rendre effective la volonté affichée de réemployer les matériaux
La réduction des déchets passe également par le réemploi des matériaux. C’est d’ailleurs le principe même de la REP qui vise à organiser le tri des déchets afin de hiérarchiser leur gestion (priorité au réemploi/réutilisation/recyclage). Cette étape n’en n’est aujourd’hui qu’à ses balbutiements. Il manque également une centralisation des informations permettant aux petites entreprises de savoir où trouver des matériaux réemployables et dans quelle quantité. Le réemploi des matériaux soulève d’autres problématiques auxquelles aucune réponse claire n’est apportée à ce jour : celle de l’assurabilité des entreprises lorsqu’elles mettent en œuvre ces matériaux de « seconde vie » et de leur performance résiduelle car, de toute évidence, pour prendre cet exemple, la performance thermique d’une fenêtre qui a été utilisée pendant 15 ans ne peut pas être identique à celle d’une fenêtre neuve.
La CAPEB constate qu’un certain nombre d’études sont en cours à ce sujet mais qu’elles portent quasi essentiellement sur des méthodologies adaptées aux grandes démolitions dans lesquelles sont récupérés des matériaux de construction en importante quantité. Ces méthodologies ne sont pas adaptées aux entreprises artisanales du bâtiment qui interviennent massivement sur des petits chantiers, avec des petites quantités de matériaux réemployables. Enfin, si l’on souhaite développer le réemploi, un paramètre important doit être pris en compte, c’est le surcoût potentiel généré par la déconstruction qui demande beaucoup plus de temps aux entreprises qu’une simple démolition. C’est un facteur à prendre en compte sérieusement, car sans déconstruction sélective, il ne peut y avoir de réemploi.
« La précipitation avec laquelle la REP PMCB a été lancée et que la CAPEB a dénoncée dès 2022 a pour conséquence aujourd’hui une réelle complication pour les entreprises. La CAPEB poursuit ses concertations avec les éco organismes et l’OCAB afin que le pragmatisme l’emporte et que les entreprises artisanales du bâtiment ne soient pas pénalisées par cette réforme d’ampleur dans la gestion de leurs déchets, gestion que les petites entreprises souhaitent réaliser dans les meilleures conditions avec le souci de préserver l’environnement et de contribuer à un développement plus durable de notre société au travers la construction et la rénovation des bâtiments » commenteJean-Christophe REPON, président de la CAPEB