Il y a urgence à agir : la crise structurelle dans le secteur de l’artisanat du bâtiment se confirme dans un contexte d’incertitude

Publié le : 04-09-2025

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Paris, le 4 septembre 2025 – À l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, la CAPEB publie sa dernière note de conjoncture et tire la sonnette d’alarme sur la fragilité persistante de l’artisanat du bâtiment.

Malgré certaines avancées en cours, le secteur reste paralysé par l’instabilité politique : chaque décision prise aujourd’hui, qu’elle soit positive ou négative, aura un impact direct sur les entreprises et leurs salariés. La CAPEB rappelle ainsi la responsabilité du gouvernement dans le soutien et la reconnaissance des petites entreprises artisanales du bâtiment.

Une activité en repli durable dans un contexte d’incertitude

L’artisanat du bâtiment s’enfonce dans une crise durable et profonde. Au deuxième trimestre 2025, l’activité globale du secteur recule de 4,5 % par rapport à la même période en 2024, confirmant la tendance négative observée depuis plus d’un an. Tous les segments sont touchés : la construction neuve chute de 9 %, et l’entretien-rénovation fléchit de 1,5 % sur un an, y compris les travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements (–1,5 %). Ces chiffres alarmants témoignent de la poursuite de la crise, trimestre après trimestre, malgré l’ampleur des besoins en rénovation et les alertes répétées de la CAPEB.
Les carnets de commandes des artisans du bâtiment continuent de se détériorer. Fin juin 2025, ils ne représentent plus que 68 jours de travail en moyenne, soit environ 4 jours de moins qu’un an auparavant (72 jours). Conséquence : le moral des chefs d’entreprise demeure profondément affecté. Parallèlement, la situation financière des entreprises artisanales demeure préoccupante, avec plus d’une entreprise sur cinq signalant des besoins de trésorerie.

La dégradation de l’activité se traduit par un recul marqué de l’emploi dans l’artisanat du bâtiment : –3,4 % sur un an au premier trimestre 2025, soit 28 305 emplois supprimés en un an. Ce choc sur l’emploi touche de plein fouet les TPE du secteur, traditionnellement pourvoyeuses d’apprentissage et d’emplois locaux. Depuis le deuxième semestre 2024, les intentions de licenciements dépassent les perspectives d’embauche, signe d’un climat d’affaires sinistré. Si rien n’est fait, ce sont des dizaines de milliers de postes supplémentaires qui pourraient disparaître, menaçant le tissu économique artisanal.

Relance urgente : des mesures gouvernementales impératives

Cette chute d’activité et d’emploi s’inscrit dans un contexte aggravant où les signaux envoyés par les pouvoirs publics sont négatifs. Aucune mesure forte n’est venue soutenir la rénovation énergétique des logements. Au contraire, le Gouvernement a décidé début juin de suspendre le dispositif Parcours accompagné MaPrimeRénov’, privant brusquement les ménages et les artisans d’un soutien financier crucial aux travaux. Et depuis le 2 septembre, exit désormais les aides pour l’isolation des murs intérieurs et extérieurs. Cette isolation, dans le cadre des rénovations par geste simple, c’était pourtant l’un des premiers postes de travaux demandés. Seule l’isolation des combles et des sols reste subventionnée.

Si les finances publiques constituent un levier essentiel, elles ne peuvent à elles seules répondre à l’ampleur des besoins. Les aides doivent être mieux ciblées et bénéficier à un maximum de ménages, et non à une minorité : rappelons que 2,6 milliards d’euros ont été mobilisés pour seulement 90 000 bénéficiaires, quand l’objectif affiché reste la rénovation d’ampleur de 370 000 logements et 750 000 logements d’ici 2050. Une dynamique de masse doit impérativement être engagée, au bénéfice de l’ensemble de la filière : industriels, distributeurs, artisans et clients.

Par ailleurs, l’exécutif a acté la baisse du coefficient de conversion de l’électricité dans le DPE à compter de 2026, ce qui reclassera automatiquement près de 850 000 logements chauffés à l’électricité en meilleures catégories énergétiques sans aucun travail. La CAPEB déplore une mesure technique aux conséquences lourdes : en faisant artificiellement sortir des logements du statut de passoires thermiques, elle risque de freiner la demande de rénovations performantes.
Dans le même temps, la confiance des ménages s’étiole face à l’instabilité des aides et des réglementations. Malgré une épargne abondante (18,8 % du revenu disponible), les projets de rénovation sont reportés ou annulés, faute de confiance dans l’avenir et de visibilité sur les politiques publiques.

La CAPEB apporte des solutions concrètes qui font consensus au sein de la filière

Depuis plus de deux ans, la CAPEB a formulé des propositions concrètes pour faciliter l’accès des entreprises artisanales aux marchés de la rénovation énergétique. Cet été, des avancées ont été obtenues et des engagements forts formulés par la ministre chargée du Logement : simplification de la qualification RGE via la VAE, allègement des critères de qualification de base, simplification du recours aux Groupements Momentanés d’Entreprises (GME), reconnaissance et lancement de l’élaboration d’un parcours de rénovation énergétique par gestes. L’élaboration d’un tel parcours, adapté aux particuliers et aux professionnels, fait largement consensus au sein de la filière. La CAPEB souhaite donc désormais la concrétisation rapide de l’ensemble de ces propositions en faveur des TPE du bâtiment et de la multiplication des rénovations énergétiques pour atteindre les objectifs fixés par la France.

Une instabilité politique dommageable

Le retour à une période d’instabilité politique pèse lourdement sur le secteur. Alors que les constats économiques sont partagés et que des solutions existent, les changements de gouvernement successifs depuis 2023 ont stoppé net les réformes en cours, notamment en matière de simplification. Les artisans, qui attendent depuis des mois des avancées concrètes, expriment aujourd’hui une très grande lassitude. La lenteur des décisions ainsi que l’incertitude institutionnelle et budgétaire entraînent une démobilisation, affectent la demande des clients et donc l’activité de l’artisanat du bâtiment.

La CAPEB en appelle donc à nouveau à la responsabilité de l’ensemble des dirigeants politiques pour rétablir une stabilité essentielle aux chefs d’entreprise et à leurs clients.

96 % du secteur ignoré : les TPE réclament justice et visibilité

La CAPEB alerte également sur la nécessité de reconnaître pleinement les TPE, qui représentent 96 % des entreprises du secteur et emploient la moitié des salariés. La récente publication des arrêtés de représentativité patronale dans le secteur du bâtiment, en introduisant contre toute logique quatre nouveaux périmètres à côté des deux périmètres historiques des entreprises occupant jusqu’à 10 salariés et des entreprises occupant plus de 10 salariés, affaiblit significativement la possibilité pour les TPE de négocier des règles qui soient adaptées à leurs spécificités et dilue leur place face aux grands groupes du secteur. De même, malgré des accords signés avec les organisations de salariés représentatives, leur extension se fait attendre, tandis que des accords favorisant les grandes entreprises sont validés en dehors du cadre paritaire. Une telle distorsion de la démocratie sociale nourrit un profond sentiment d’injustice. L’U2P a d’ailleurs annoncé son intention de contester les arrêtés de représentativité patronale.

La CAPEB rappelle qu’elle n’a jamais appelé à manifester, mais elle souligne qu’elle ne pourra contenir indéfiniment le mécontentement croissant sur le terrain. C’est un enjeu existentiel : reconnaître ou nier le droit de l’artisan à exister selon ses propres règles.

« Quelle que soit l’issue du vote de confiance attendu lundi 8 septembre prochain, la CAPEB restera pleinement mobilisée pour défendre les droits et les intérêts des entreprises artisanales du bâtiment. À court terme, nous attendons l’aboutissement des travaux engagés avec le ministère du Logement et nous porterons haut la voix des TPE lors des prochains rendez-vous de la profession, comme les Renodays, la Semaine des métiers du BTP ou encore les WorldSkills. Notre objectif est clair : faire reconnaître la place essentielle des artisans dans l’économie et dans la vie quotidienne des Français. » Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB.

Télécharger la note de conjoncture du 2ᵉ trimestre 2025